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"Plus d'une décennie de combat"

Le droit de grève au Tchad (année 2017)

8 Mars 2019 , Rédigé par Move For Chad

Aux termes de l’article 8 du pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, le Tchad à l’instar des autres Etats parties s'est engagé à assurer :

Le droit qu’a tout individu de former avec d’autres des syndicats et de s’affilier au syndicat de son choix, sous la seule réserve des règles fixées par l’organisation intéressée, en vue de favoriser et de protéger ses intérêts économiques et sociaux.

L’exercice de ce droit ne peut faire l’objet que des seules restrictions prévues par la loi et qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, dans l’intérêt de la sécurité nationale ou de l’ordre public, ou pour protéger les droits et les libertés d’autrui. Ces restrictions concernent-elles les marches et les manifestations revendicatives ou les appels à manifester ? Loin s’en faut car, ces prérogatives sont de l’essence même du droit des travailleurs.

Le Tchad s’est aussi engagé à assurer le droit qu’ont les syndicats de former des fédérations ou des confédérations nationales et le droit qu’ont celles-ci de former des organisations syndicales internationales ou de s’y affilier. Cela voudrait dire que les confédérations syndicales tchadiennes peuvent avoir une étroite collaboration avec celles des pays tiers comme par exemple la France. Cette possibilité a été catégoriquement réfutée et rejetée par les autorités tchadiennes.

La Confédération syndicale internationale a indiqué que l’Union des syndicats du Tchad (UST), ainsi que des groupes de défense des droits de l’homme, travaillaient dans une atmosphère de répression et de suspicion. En novembre 2016, des délégués de la Confédération générale du travail (CGT, une organisation syndicale française partenaire de l’UST) avaient demandé des visas en France. L’ambassade du Tchad à Paris a rejeté cette demande de visas, et des responsables de la confédération ont indiqué que l’ambassade avait expliqué que « les syndicalistes et les journalistes ne sont pas les bienvenus » dans le pays. En janvier, les délégués de la CGT ont de nouveau demandé des visas, et l’ambassade a de nouveau rejeté leur demande. L’UST pensait que le motif de ces refus était la crainte que les syndicalistes de la CGT ne fassent ce voyage pour soutenir l’UST dans ses négociations avec le gouvernement dans le contexte d’une grève qui avait lieu à ce moment là.

La loi fondamentale du Tchad reconnait le droit à tous les travailleurs, à l’exception des membres des forces armées, de constituer des syndicats indépendants de leur choix et d’y adhérer. Tous les syndicats doivent être autorisés par le ministère de la Sécurité publique et de l’Immigration, qui peut ordonner la dissolution d’un syndicat. Le législateur tchadien confère également aux travailleurs, le droit de s’organiser et d’entreprendre des négociations collectives. Même s’il n’existe pas de restriction concernant les négociations collectives, la loi autorise le gouvernement à intervenir dans certaines circonstances. Elle reconnaît le droit de grève, mais limite celui des fonctionnaires et des employés des entreprises publiques. Elle requiert un préavis de grève de 72 heures. Les fonctionnaires et les employés des entreprises publiques doivent avoir conclu une procédure de médiation avant de lancer une grève. Les employés de plusieurs organismes publics jugés essentiels doivent continuer d’assurer un certain niveau de service, défini à la discrétion du gouvernement, pendant une grève.

Le paradoxe se situe au niveau de peine de prison avec travaux forcés que pourrait écoper un syndicaliste en cas de participation à une grève illégale. A quel moment peut-on constater l’illégalité de la grève ? Le gouvernement qui a l’obligation d’assurer le droit de grève ne l’a jamais autorisé et pire encore, les marches. Les syndicats de fonctionnaires ont organisé plusieurs grèves pendant l’année pour protester contre le retard de paiement ou le non-paiement de salaires, allocations, primes et indemnités. Contrairement aux années précédentes, les grèves survenues pendant l’année n’ont pas été accompagnées de manifestations parce que le ministère de l’Intérieur et de la Sécurité publique avait interdit les manifestations.

Le gouvernement n’a pas attaché une grande importance à ses relations avec les syndicats. En octobre, la plateforme syndicale a publié une note de presse affirmant que le gouvernement n’avait pas rempli ses engagements en matière de salaires et d’indemnités et que la coalition explorait donc toutes les possibilités pour reprendre les négociations. Le président du syndicat principal, l’UST, a également averti qu’il y aurait des grèves s’il le fallait.

Le code du travail interdit la discrimination antisyndicale et couvre explicitement tous les travailleurs, y compris les travailleurs étrangers et en situation irrégulière. La loi exige la réintégration des travailleurs licenciés en raison de leurs activités syndicales. Selon des membres de syndicats, ces dispositions de protection n’étaient pas toujours respectées.

Le gouvernement a protégé efficacement la liberté d’association et le droit à la négociation collective, bien que l’exercice de ces deux droits ait souffert des retards qui s’expliquaient surtout par les difficultés administratives rencontrées pour réunir les principaux responsables autour de la table des négociations.

Il n’a pas été fait état de restrictions en matière de négociations collectives ni de sanctions imposées à des travailleurs ayant pris part à des grèves illégales. Dans le secteur formel, plus de 90 % des salariés étaient syndiqués. La majorité des gens travaillaient à leur compte, dans des emplois de cultivateurs ou d’éleveurs, et n’étaient pas syndiqués. Les entreprises publiques dominaient de nombreux secteurs de l’économie formelle et le gouvernement demeurait le plus grand employeur. Les syndicats étaient officiellement indépendants du gouvernement et des partis politiques, même si certains d’entre eux, de par l’appartenance de leurs membres à des partis politiques, étaient officieusement liés à ceux-ci.

Le gouvernement a protégé les droits des employés tchadiens de la China National Petroleum Corporation en exigeant la réintégration de salariés et dirigeants syndicaux licenciés parce qu’ils avaient fait grève. Il n’existait pas d’ONG qui se consacre spécifiquement aux questions de travail, mais des organisations locales de défense des droits de l’homme s’en occupaient souvent, notamment en menant des actions contre le travail des enfants.

Les syndicats ont subi des violations de leurs droits en réaction au mouvement de grève qu’ils avaient lancé depuis septembre 2016 à janvier 2017. Ils demeuraient soumis à un décret de 2016 limitant le droit de grève, et leurs demandes d’autorisation pour des manifestations rejetées à chaque initiative.

En janvier 2017, les autorités se sont immiscées dans les affaires internes du Syndicat national des enseignants-chercheurs du supérieur (SYNECS) afin de forcer son président au départ et de mettre fin à la grève qu’il menait. Ce fut le même cas pour le syndicat des étudiants du Tchad.  

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